Figures fertiles, Éditions Jacqueline Chambon-Actes Sud, coll. Rayon art, 2002.

Ce livre a été publié avec une Bourse d'écriture du Centre national du livre (CNL) attribuée à Laurent Grison  par la Commission Art, dirigée alors par l'historien de l'art Daniel Arasse.

Figures fertiles a été l'objet, à sa parution, d'une conférence publique donnée par l'auteur dans le cadre de l’Université de tous les savoirs (UTLS), intitulée : « Une approche géographique des images de l'art occidental », en octobre 2002, à Paris (grand amphithéâtre de l'Université René Descartes), devant 800 personnes.

Filmée et enregistrée, la conférence a été diffusée intégralement sur France Culture, dans l’émission L’Éloge du savoir puis sur DVD, CD et VHS par le CERIMES-SFRS (Service du Film de Recherche Scientifique), 82 minutes, 2002.

A propos de Figures fertiles, on peut lire les critiques suivantes : 

Pascal Bonafoux, « Voyages », Magazine littéraire, mars 2003, n° 418, page 90.

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Valérie Bougault, « Figures fertiles », in L'Œil, revue d'art mensuelle, 2003.

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Alain Reynaud,  « Art et géographie », compte-rendu de lecture du livre Figures fertiles (Éditions Jacqueline Chambon-Actes Sud, coll. Rayon art, 2002), revue TIGR,  n° 111-112, 2002.

Un travail original et convaincant, telle est l'impression qui se dégage de la lecture de ce livre, version abrégée d'une thèse. Laurent Grison, historien de formation et géographe de cœur, s'intéresse à des «figures géographiques», tout particulièrement celles du carrefour et de la bifurcation, d'où le titre de sa première partie : «X, Y». Carrefour, bifurcation, concepts au cœur de l'analyse spatiale, mais l'originalité du travail consiste à les utiliser pour analyser des tableaux, des photographies, des romans, des poèmes. Analyses nombreuses, déconcertantes à première vue selon les canons habituels de la géographie, mais menées avec finesse et subtilité, par petites touches à la manière impressionniste : «Notre ouvrage [...] est constitué de paragraphes courts et titrés, de fragments qui, conjugués, forment une pensée scientifique et poétique du tout» (p. 25). L'analyse du carrefour est approfondie et nuancée tout au long de l'ouvrage. Il est difficile d'en rendre compte rapidement et fidèlement, dans la mesure même où ce livre «est composé comme un polyptyque au sens de peinture à plusieurs volets, avec des articulations mobiles entre des pans, des perspectives, des champs, des formes et des couleurs, des volumes et du/des sens» (p. 227). Laurent Grison est à l'aise dans des domaines très divers et il se plaît à multiplier les rapprochements inattendus. Mais que les lecteurs de ce compte rendu se rassurent : l'ouvrage reste lisible et clair. Les tableaux et les photographies sont souvent reproduits deux fois, la première tels quels, la seconde avec des lignes, des flèches ou des cercles qui permettent d'en comprendre la signification spatiale. Car c'est bien de géographie qu'il s'agit, comme l'affirme la première phrase : «Ce livre est le fruit du bonheur stendhalien d'unir un métier, celui de chercheur, et une double passion, celle de l'art et celle de la géographie» (p. 9). Mais cet ouvrage ne s'inscrit pas dans les perspectives géographiques familières et risque de surprendre plus d'un lecteur, ce qui oblige à s'interroger. Ce qui est inhabituel, ce sont les matériaux -les historiens diraient les sources -qui servent de point de départ et de support à l'analyse. Les géographes invoquent volontiers le «terrain» en le restreignant à la nature, au paysage ou au territoire, tels qu'on les peut les contempler et les parcourir, avec toute leur matérialité. Et si les campagnes de la vallée du Gange, les steppes du Kazakhstan ou les quartiers de Chicago n'étaient qu'un type de «terrain» parmi d'autres ? Les historiens ont compris depuis longtemps que les sources sont multiples : les réalités matérielles telles que les révèlent les fouilles archéologiques, mais aussi les textes, les images, les œuvres d'art ou même les entretiens dans l'histoire du temps présent. Selon le sujet traité, les sources disponibles et ses propres attirances, un historien s'appuie plutôt sur tel ou tel type de sources. Pourquoi le géographe ne ferait-il pas de même ? Pourquoi un tableau de Raphaël, un poème de Mallarmé ou une photographie de Cartier-Bresson seraient-ils de moins bons points de départ pour une étude géographique qu'une cuesta, une maison rurale, une ligne de tramway en site propre ou une station balnéaire ? D'ailleurs, certains géographes en sont convaincus depuis longtemps : ainsi, Armand Frémont, dans un article de 1972 («La région : essai sur l'espace vécu» in La pensée géographique française contemporaine , PUB), tirait parti de Madame Bovary , ce qui avait surpris nombre de géographes à l'époque. Le roman de Flaubert est également analysé par Laurent Grison («Le carrefour d'Emma Bovary , pp. 99-110).

Au-delà de la question des matériaux ou du «terrain» se pose celle de la nature de la géographie. Si la géographie est bien -en dehors de la géographie physique pure -une science sociale, elle a pour objet l'étude des sociétés, tout comme une demi-douzaine d'autres sciences sociales. Ce qui distingue chacune d'elles des autres est son approche et sa démarche, à la fois conceptuelle et technique. Chaque science sociale peut s'appliquer à l'étude de n'importe quel aspect des sociétés, selon l'angle d'attaque qui est le sien. Or la démarche de Laurent Grison est géographique comme le prouvent ses très chorématiques «grammaires» du croisement, du carrefour, de la bifurcation et du rond-point (pp. 41-43). Chacune de ces figures spatiales est bien connue, visible sur des cartes topographiques, mais ne retient en général pas assez l'attention pour que l'on soit sensible aux multiples nuances qui les caractérisent. Par exemple, «le demi rond-point peut être synonyme d'ouverture, de clairière, il peut être aussi un aboutissement, un éventuel lieu de dissimulation, de chasse au trésor, mais aussi de refuge, d'abri» (p. 43). Appliquer des concepts spatiaux à des productions culturelles est tout aussi légitime que de les appliquer à des productions matérielles comme l'agriculture, l'industrie ou les villes. Certaines phrases de ce livre, hors de leur contexte artistique, figureraient fort bien dans un travail qui serait unanimement considéré comme relevant de la géographie. Par exemple : «Les figures du carrefour ou de la bifurcation pourraient être envisagées comme des figures allégoriques de toutes les figures de l'échange (chemin et route, port, col, pont, défilé, gué, détroit...)» (p. 23). Ou encore : «La figure géographique -la représentation d'un carrefour ou d'une route, par exemple -est une forme fondamentale de l'espace » (p. 12). Quel géographe pourrait soutenir le contraire ? Philippe et Geneviève Pinchemel écrivent : «Les voies sont les instruments privilégiés de la création de l'espace humain» {La face de la terre , 1992). Auparavant, Jean Gottmann s'exprimait presque comme Laurent Grison : «De la croisée des chemins ruraux où se décide le chemin que prend une récolte jusqu'à la combinaison des éléments qui créent de grand Etats et des civilisations nouvelles, court un fil ténu, mais continu, qui est une chaîne de carrefours» («De la méthode d'analyse en géographie humaine », Annales de Géographie , 1947). Laurent Grison a défriché un nouveau domaine. Ceux qui s'intéressent à la littérature ou à la peinture -les historiens d'art par exemple -apprécieront ce travail, qui leur fera prendre conscience qu'une démarche géographique apporte du nouveau dans leur champ d'étude. Mais les géographes devraient aussi s'y intéresser, puisque ce livre prouve la fécondité d'une géographie centrée sur l'étude de la dimension spatiale des phénomènes, quels qu'ils soient.

Les Stries du temps. L'artiste, le lieu et la mémoire, Éditions Champ social, coll. Théétète. Esthétique, 2005.

A propos du livre Les Stries du temps. L'artiste, le lieu et la mémoire, on peut lire les critiques suivantes :

Eveline Boulva, « Les Stries du temps », in Cahiers de géographie du Québec (Université Laval, Canada), volume 50, numéro 139, 2006.

Pourvu d’un titre poétique et judicieux, le livre se présente sous la forme de sept courts essais, agissant comme autant de fragments textuels et singuliers, regroupés autour d’une réflexion sur le lieu et la mémoire. Le fragment y fait office de schéma structurel dans la méthode d’écriture elle-même, tel un écho de l’acte mémoriel : de nouveaux éléments apparaissent brièvement, des liens surgissent et un maillage, le plus souvent inattendu, s’instaure. La structure textuelle ainsi envisagée démontre sa pertinence en regard du caractère éminemment multiple de l’art et de ses oeuvres, à partir desquelles la réflexion se forge. En effet, trop souvent, la lecture des productions artistiques se voit enchâssée dans des concepts rigides, niant leur appartenance fondatrice au domaine du sensible.

Les 130 pages qui composent cet ouvrage profilent graduellement la logique de la démarche, qui, si elle semble a priori désordonnée, et à tout le moins peu scientifique, nous prend rapidement au jeu de poursuite des méandres de la pensée de l’auteur. Certains éléments paraissent initialement anecdotiques ; néanmoins, ce trajet ponctué de détails génère de multiples et enrichissants croisements en fonction de l’objectif poursuivi : commenter des créations du domaine des arts et faire sens « avec un souci constant de profondeur et de clarté ».

L’usage des lieux, des temporalités et de la mémoire dans les créations artistiques y est exprimé au moyen des notions opératoires d’interspatialité et d’intertemporalité. Complémentaires et ouverts, ces deux concepts précisent un lien tissé et une corrélation entre l’espace et le temps au sein des arts. L’interspatialité dépeint l’idée qu’à partir d’un espace représenté, il existe des connexions vers d’autres espaces, qu’ils soient d’une même époque ou non ; quant à l’intertemporalité, elle affirme l’importance du temps dans la lecture de ces espaces représentés. À partir de ces deux concepts, l’auteur interprète et questionne un corpus varié d’oeuvres, généralement contemporaines, et provenant d’horizon divers, tel que les arts visuels, la littérature, l’urbanisme, la musique, etc. Ouvrant de façon inédite la compréhension des oeuvres, les idées émises se développent d’une fois à l’autre par des confluences entre des créations de différents champs disciplinaires. On y redécouvre avec plaisir Borges, Rousse, Boulez, Bustamante, Zimmerman, Perec, Boltansky, Warhol, Flaubert, Danti, Joyce, Ernst, Apollinaire, etc. Tous ces artistes ont abordé dans leur travail les notions de mémoire et de lieu, selon des angles de vue toujours particuliers. Ainsi, les sept essais déclinent bon nombre d’aspects propres au couplage de l’interspatialité et de l’intertemporalité, retraçant certains des linéaments respectifs des oeuvres commentées.

Par sa façon d’établir des rapprochements entre diverses productions artistiques, Laurent Grison utilise un schéma créateur – une trame – caractéristique des arts, qui se nourrissent en général non pas d’un seul élément, mais plutôt de multiples fragments du monde. Les stries du temps composent ainsi l’adjonction d’idées et d’intuitions dans une écriture rythmée, rigoureuse et sans lourdeur aucune ; la théorie s’y développe, suite de la rencontre des oeuvres, dans un parcours original et dégagé de concepts préexistants.

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« Laurent Grison publie son 'jeu des sept lieux' », entretien avec le journaliste culturel Jérémy Bernède, à l'occasion de la parution du livre de Laurent Grison : Les Stries du temps. L’artiste, le lieu et la mémoire (Éditions Champ social, coll. Théétète. Esthétique, 2005), Midi Libre, 25 septembre 2005.

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Régine Detambel, « Les Stries du temps », site Encres Vagabondes, 2005.

Entre rayonnement et réciprocité. Contributions à l’histoire de la diplomatie culturelle, avec une préface de Pascal Ory (professeur, université Paris 1 Panthéon-Sorbonne) et une postface d'Akira Iriye (professeur, Harvard University, Etats-Unis), Publications de la Sorbonne (Université Paris I Panthéon-Sorbonne), coll. Série internationale, 2002.
Ce livre est le fruit d'une collaboration entre six chercheurs spécialistes des relations internationales : Alain Dubosclard, Laurent Grison, Laurent Jean-Pierre, Pierre Journoud, Christine Okret, Dominique Trimbur.